“Tu fais quoi dans la vie?”

Je réalise que j’ai presque toujours séparé mes écrits du quotidien en ville de mes récits de voyages, dans des carnets différents, ou bien avec une page blanche et un titre indiquant les dates et lieux de mes escapades, comme des parenthèses, un aparté, comme si elles constituaient du nectar de vie au milieu du quotidien morose.

C’est une grossière erreur, je ne peux passer à côté des trois quarts de ma vie en la subissant: subir le travail, subir les contraintes et le stress administratif, subir la mauvaise humeur et la violence des gens dans les transports en commun, attendre le week-end, attendre les vacances, attendre une entrée d’argent, attendre des autres qu’ils me comprennent, attendre l’amour des hommes, attendre que la douleur passe…

“Tu fais quoi dans la vie?”

“Euh…. J’attends.”

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À ceux qui disent que “c’est comme ça, on ne fait pas ce qu’on veut dans la vie” et qu’il faut être patient, je leur réponds que l’élan de Vie n’est pas un caprice, c’est notre plus grande force, celle de la conscience globale, de l’amour inconditionnel et du respect de l’être.

Il s’agit de finir par se rendre compte que le système capitaliste et la nature du travail tel qu’ils sont actuellement ne conviennent qu’à très peu de gens, ils briment la pureté et la créativité que nous avons en nous dès l’enfance. La sédentarité et le modèle social conventionnel me paraissent également antinaturels: oui, j’ai presque 30 ans, oui je suis célibataire, non je n’ai pas d’enfants, ni aucune propriété, ni voiture d’ailleurs… et il faudrait que je me dépêche en plus? J’estime qu’il y a beaucoup de prérequis nécessaires à la naissance de nouveaux êtres… Nos enfants devraient vivre au plus près de la nature loin de la folie et des écrans. Ce sont les fruits de fleurs qui doivent d’abord savoir s’aimer elles-mêmes, savoir s’aimer entre elles, puis accepter que le fruit mûrisse et se détache de l’arbre nourricier sans retenue ni projections. Bref, là, on a du “boulot”.

Le vrai travail, c’est celui du développement et de la connaissance de soi. C’est celui qui rend notre vie cohérente et harmonieuse, celui où le mental est un outil et non un maître, celui dans lequel le matériel s’échange au lieu de s’accumuler et cesse d’être un moyen de comparaison. Entre nous, avons-nous réellement besoin d’argent? Nous pouvons faire la différence en utilisant le moins possible ces petits bouts de papier pour lesquels des gens s’entretuent aux quatre coins de la planète. Nous pouvons échanger, nous entraider, boycotter leurs produits frelatés et créateurs de misère, éteindre la télé qui abrutit et canalise les informations vers un seul et même mode de pensée, nous pouvons travailler moins, aider un inconnu dans la rue, récupérer, réparer, transformer, créer, donner… À l’heure où la folie tue et affame, nous nous parlons à travers des écrans et poursuivons dans l’air des Pokémon virtuels! N’avons-nous pas mieux à faire de notre temps sur cette planète que de nous divertir pour fuir la réalité et nos responsabilités?

Le travail n’a presque plus aucune valeur, il est aliénation aux notions infernales de temps et d’argent. La plupart des gens travaillent pour assumer le coût de besoins fondamentaux qui devraient être gratuits, ou presque (je n’invente rien: avoir un toit, se nourrir, se vêtir). Même les passionnés ont leur lot de galères, des montagnes administratives aux déserts post-taxes, les emmenant malgré eux vers les joies du travail alimentaire.

Il y a au moins un espace dans lequel les choses peuvent changer grâce au “travail”, ou plutôt un espace malléable et ouvert dans lequel on a le maximum de cartes: en nous-mêmes. Encore faut-il plonger assez profondément pour prendre conscience de ses conditionnements et trouver de nouvelles manières de penser, de ressentir, d’aimer… en dehors de ce que l’on nous a toujours dit de faire.

 

“Tu fais quoi dans la vie?” – “Et bien je vis, pardi!”

 

6 thoughts on ““Tu fais quoi dans la vie?”

  1. Article qui résume très bien ma pensée du moment, que beaucoup de gens partageront d ailleurs. Merci pour ce texte qui redonne le sourire

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